07/07/2022

Site de la villa Gallo-romaine de Moulon

(lieu-dit La Mare Champtier)

 

 

 

Entité Archéologique n° 91 272 004 -- AAC-CEA

 

En 1992 et 1993, à l'occasion de la construction de la "Maison de l'Ingénieur" de l'université Paris-Sud sur les communes de Gif sur Yvette et d'Orsay (Essonne), l'équipe d'archéologues bénévoles de l'Association Culturelle du Commissariat à l'Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (AAC - CEA, Saclay) a mis au jour un ensemble de vestiges archéologiques inconnus auparavant. Le site se trouve à 23 km au sud-ouest de Paris, en bordure sud du Plateau de Saclay, sur le campus de l'université Paris-Saclay.
Plusieurs époques d’occupation y ont été identifiées (Néolithique, Age du Bronze, Gallo-romaine et Médiévale).

Des fouilles furent entreprises par l’équipe du CEA de 1994 à 1998 sur une parcelle située à l’est de la Maison de l’Ingénieur (devenue Polytech Paris-Saclay) et laissée en friche depuis plusieurs dizaines d’années. Ces fouilles mirent au jour les vestiges d’un bâtiment gallo-romain édifié au début du IIe siècle après J.-C. puis abandonné à la fin du IIIe siècle. Cette chronologie est basée principalement sur l'aspect architectural et sur l’étude des objets recueillis, réalisée au laboratoire d’Archéologie de l’AAC-CEA  : poteries, éléments d’architecture, outillage et parures en os ou en métal, monnaies, objets en verre, éléments de décor notamment des fragments de peintures murales...

L’architecture du bâtiment est typique de cette époque. Construit en matériaux pérennes pour la maçonnerie (essentiellement pierre meulière et grès extraits du sous-sol des environs), équipé d’une toiture en tuiles plates et rondes, il s’agit de la partie résidentielle occupée par le propriétaire d’une villa gallo-romaine (pars urbana). Celle-ci comportait des pièces chauffées par le sol (dispositif de chauffage par hypocauste).
Deux caves implantées aux extrémités nord et sud devaient être surmontées d’un rez-de-chaussée et d’un étage. Ces deux caves se trouvaient chacune dans un pavillon d’angle, relié à une galerie en façade exposée à l’est. Dans la cave nord, un puits central entouré de trous de piquets indique la présence d’un plancher en bois probablement pourvu d’une trappe permettant de puiser l'eau. Lors de la découverte de ce puits, on pouvait encore y prélever près de 400 litres d'eau par jour.

L’emprise du bâtiment a une surface de près de 300 m² au sol. Occupée par le maître des lieux et sa famille, cette habitation disposant d'une arrivée d'eau, du chauffage central et assurant un certain confort est néanmoins sans luxe ostentatoire. Avec ce qui l'entoure, elle correspond à un domaine agricole de moyenne importance.
Une exploitation agricole gallo-romaine repose sur le fundus, domaine foncier privé, réunissant en principe toutes les terres permettant aux occupants de vivre en semi-autarcie. Au centre du domaine se trouve la villa s'organisant en plusieurs bâtiments utilitaires. Bâtie le plus souvent selon un plan géométrique plus ou moins standardisé, la villa gallo-romaine comprend l'habitation du propriétaire et sa famille (pars urbana) ainsi que les bâtiments nécessaires à l'exploitation agricole (pars rustica). C'est le témoin de l'aisance de la classe dirigeante de l'époque (riche commerçant, haut fonctionnaire...) et de la production d'une telle architecture rendus possibles par la pax romana favorisant les activités économiques et l'évolution constante des techniques.

 

Maquette de la résidence de la villa gallo-romaine (interprétation des vestiges de la dernière phase d’occupation)

 

Cette villa d'Ile de France n'était pas une simple ferme dépourvue d'apparats. Les parois de certaines pièces étaient ornées de peintures murales. Le confort (arrivée d'eau, chauffage...) et le raffinement à la mode romaine était dorénavant à la portée de certains propriétaires ruraux à la tête d'exploitation générant des revenus substantiels (élevage, culture de la terre, transformation des produits du terroir...).

Côté est, devant la galerie de façade, s'étendait une cour-jardin au bord de laquelle un muret séparait la partie résidentielle (pars urbana) de la cour principale empierrée. Celle-ci présente quelques vestiges, notamment la sépulture d'un jeune enfant, un mur de gros blocs de pierre meulière, un fossé de palissade, des cuisines extérieures… La fouille de cette cour a également mis au jour des traces d'habitations plus anciennes (première moitié du Ier siècle ap. J.-C.) édifiées en matériaux légers (probablement murs en bois et en pisé ou en torchis et des toitures en chaume).

Au-delà, plus à l’est, dans un secteur d’un hectare déboisé en octobre 2013, se trouvait la partie agricole de la villa (pars rustica) où devaient être implantés plusieurs bâtiments d’exploitation : greniers à grain, granges, celliers et caves, bergerie et porcherie, écuries et étables mais également ateliers d’artisanat et logements probables de l'intendant et des ouvriers… Bien que très partiellement fouillé pendant quelques jours en novembre 2013 (diagnostic archéologique mené par l'Institut National de Recherches Archéologiques et Préventives, INRAP) ce secteur a révélé de nombreuses structures en liaison avec la partie résidentielle de la villa. Deux bâtiments d'environ 130 m² furent identifiés. Maçonnés "en dur", il s'agit de granges typiques gallo-romaines. Elles possèdent la même orientation que celle du bâtiment de la partie résidentielle situé à proximité. Ce diagnostic a également permis d'identifier deux caves gallo-romaines, partiellement fouillées.
Malheureusement, suite au diagnostic archéologique dont les conclusions proposaient de comprendre l'occupation ancienne du terrain par une fouille approfondie menée par des spécialistes, l'intégralité du secteur n'a pu être reconnue et fouillée. La construction de plusieurs bâtiments en 2016 et 2017 et la création d'une nouvelle rue n'ont pas permis de conserver certains aménagements du domaine de la villa gallo-romaine, ainsi que des occupations médiévales identifiées.
Néanmoins, quelques structures ont été préservées. Elles pourraient faire l'objet de possibles fouilles archéologiques à l'occasion de futurs travaux dans ce secteur. La poursuite des recherches archéologiques dans ce secteur aurait permis (et permettrait à l'avenir) d’étudier un sujet rarement traité en région Ile de France, faute de temps et de moyens : le secteur agricole d’une villa gallo-romaine.

La villa gallo-romaine de Moulon fut abandonnée vers 270/280 après J.-C. probablement pour des raisons socio-économiques graves. A cette époque, la Gaule romaine subit de nombreuses invasions, qui finirent par forcer la population vivant sur l'exploitation à rejoindre des lieux plus sécurisés. Au delà d'un appareil de production régulièrement endommagé, de mauvaises récoltes probablement répétées, la désorganisation de la société fut sans doute à l'origine de l'abandon de territoires entiers. La villa de Moulon ne sera réoccupée qu'au Moyen Age. Du XIe au XIIIe siècle, une occupation humaine est identifiée dans les ruines de la villa. Des récupérateurs de matériaux de construction ? Pour construire les villages avoisinants, comme celui de Saint-Aubin, à l'ouest, ou de Saclay, au nord ?

A l'époque gallo-romaine, le Plateau de Saclay est situé sur le territoire des Parisii, dont la limite géographique sud correspond à la vallée de l'Yvette. Au contact des zones frontières des communautés Carnutes (à l'ouest) et Sénons (au sud), l'ensemble est sous la juridiction de la province de Lyonnaise. Les grandes agglomérations les plus proches sont Paris, Chartres et Evreux. Les vicus de moyenne importance aujourd'hui identifiés sont Jouars-Pontchartrain (78), Etampes (91) et Ablis (78).
Le territoire d'Orsay fut rattaché au fief de Palaiseau au cours du haut moyen-âge, puis transmis à l'abbaye de Saint Germain des Prés (Paris) en 754. Il devint propriété de l'abbaye de Longpont (sur Orge) au XIe siècle. Pour Orsay (Orceacum), la plus ancienne mention manuscrite identifiée à ce jour daterait de 999.
Quant au territoire de Gif sur Yvette, également propriété de l'abbaye de Saint Germain des Prés (Paris) au cours du haut moyen-âge, il fut par la suite la propriété d'une abbaye bénédictine dès le XIe siècle.

 

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Dès 1994, la présentation au public des vestiges de la villa gallo-romaine de Moulon a suscité un grand intérêt auprès de la population. Constatant cet attachement pour l'histoire ancienne de la région, qui s'est développé au fil des ans, les municipalités de Gif sur Yvette, d'Orsay et l'intercommunalité du Plateau de Saclay (devenue la Communauté d'Agglomération Paris-Saclay) proposèrent dès 1995 de conserver cette ressource locale. Afin de rendre la villa accessible au public, un projet de consolidation des vestiges et une mise en valeur avec supports d'informations fut établi. Le site archéologique ne fut donc pas rebouché à l'issue des fouilles. Depuis 1995, plusieurs demandes de réhabilitation furent présentées, notamment en 2000, où l'on releva le vote d'une subvention émanant de Gif sur Yvette, d'Orsay et de l'intercommunalité pour la mise en valeur de la villa gallo-romaine, non suivie d'effet (voir Communauté d'Agglomération Paris-Saclay - CAPS "Territoire et Patrimoine").

Après presque 25 ans, enfin en 2018, une concrétisation de mise en valeur vit le jour, menée par l'EPAPS (Etablissement Public d'Aménagement du Plateau de Saclay) et les collectivités locales. Malgré les contraintes générées par la crise sanitaire, les travaux de terrain furent initiés au printemps 2021.
Bien culturel non renouvelable, les vestiges ont bénéficié de consolidations des maçonneries afin de réduire considérablement leur dégradation. Ces quelques éléments du patrimoine archéologique local sont aujourd'hui en partie préservés.
Depuis octobre 2021, les visiteurs peuvent apprécier les résultats de ces travaux.

En accord avec les règles qui s'imposent pour un site archéologique inévitablement fragile, il reste maintenant à concrétiser le renouvellement de la protection d'accès au site. Protection d'accès qui pourrait s'intégrer à l'architecture moderne du quartier. Associer l'architecture moderne et antique !
Pour la partie médiation culturelle de terrain, il reste également à concrétiser les supports d'informations à mettre en place à proximité immédiate du site afin d'accompagner les visiteurs en l'absence de guides conférenciers (néanmoins présents le week-end et sur rendez-vous).

Dans le cadre d'événements tels que Les Enfants du Patrimoine ou les Journées du Patrimoine nous avons accueilli le public sur le site de la villa. De nombreuses classes des écoles environnantes sont venues visiter le site, référencé sur les cartes géographiques.
A chaque fois, nous rencontrions un grand enthousiasme de la part du public. Des nombreuses questions posées, certaines revenaient fréquemment, concernant le devenir de la villa gallo-romaine, le type de mise en valeur proposé et les éventuelles poursuites de recherches archéologiques sur le site. La cour empierrée située devant la partie résidentielle de la villa ainsi que les abords nord et sud n’ont pas été fouillés dans leur totalité. Il en fut de même pour la partie agricole du domaine située plus à l'est.

Plusieurs reportages télévisuels furent réalisés sur le site, notamment par les chaînes locales Télessonne et TV78.

Tous ces arguments incitent à sauvegarder véritablement et à valoriser ces vestiges uniques dans le département de l’Essonne, participant ainsi à la préservation de notre mémoire collective. D’autant plus que c’est le seul exemple visible et compréhensible dans la région sud-ouest de l’Ile de France.
En France métropolitaine, ce serait le seul site archéologique présent sur un campus universitaire (université Paris-Saclay).


Nous restons vigilants sur le devenir du site archéologique et à l'écoute des propositions des spécialistes et de la population pour permettre la complète mise en valeur et la protection de ce patrimoine local.

 

Le chantier de fouilles en novembre 1997, après remblaiement de sable dans les caves par sécurité :

 

Le site de la villa gallo-romaine de Moulon en mai 2015, vue du sud :

 

Le site de la villa gallo-romaine de Moulon en juillet 2022, après consolidation des vestiges (sauf pour l'hypocauste), vue du sud :

 

Plan de la villa gallo-romaine (en bas, limite de la route la séparant de Polytech Paris-Saclay - Maison de l'ingénieur) :

 

Les vestiges visibles de la villa se trouvent sur la commune d'Orsay, sur le plateau de Saclay, plaine de Moulon, près de la voie rapide RN118.
Campus de Paris-Saclay, à l'est de Polytech Paris-Saclay (Maison de l'ingénieur).
Place Hubert Coudane, le long de la rue Sophie Germain (près de l'ancienne portion de la rue Louis de Broglie).
91 Orsay (à la limite immédiate de Gif sur Yvette)
Places de stationnement à proximité, en visibilité d'une habitation de gardien de l'Université

[coordonnées GPS -- Longitude = 2° 10' 19.5" E      Latitude = 48° 42' 32.9" N] :

Source : Institut de Géographie National (IGN) et Open Street Map

 

Villa gallo-romaine de Moulon, lieu-dit La Mare Champtier, la bien nommée !!! (février 2001)

 

Deux espèces animales qu'il n'est pas rare de retrouver à la belle saison :

Lézard des murailles (Podarsis muralis) (Photo Jean-Pierre Moussus, ENS)

 

Orvet fragile (Anguis fragilis) (Photo Philippe Barré, MNHN)

L'orvet ? Un petit lézard déguisé en serpent inoffensif et possédant des paupières mobiles lui permettant de cligner des yeux !

 

Et quelques variétés d'orchidées, dont Ophrys apifera :

<< Une fausse fleur rose, un faux insecte muni de fausses pattes avec de faux poils, de faux yeux et de fausses antennes. On nous dit en plus qu'elle émet un parfum que l'on ne sent pas ; il serait seulement perçu par un bourdon mâle et imiterait, encore une fois, l'odeur de sa femelle.
Tout ce stratagème pour attirer un insecte mâle, lui faire croire qu'une femelle est disponible, profiter d'un faux accouplement pour lui coller sur la tête un ou deux petits sacs contenant le pollen, "les pollinies", qu'il transportera sur une autre fleur d'Ophrys... >>

 

 

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