09/05/2004

Site du parc de l'ancien château de Limours

 

Entité Archéologique n° 91 338 0005AH -- AAC-CEA

 

Pendant cinq semaines en septembre et octobre 2000, l'équipe de l'AAC-CEA a procédé à une opération de fouille d'urgence (décision Préfectorale n° 2000-245 du 25/09/2000) dans le parc de l'ancien château de Limours (Essonne). Ce château que fit bâtir Anne de Pisseleu, duchesse d'Étampes, favorite de François 1er, fut construit de 1530 à 1545. Une construction de style Renaissance fut érigée sur les restes d'un manoir médiéval, tout en épargnant les deux tours cylindriques encadrant le corps d'entrée (orienté à l'ouest).

Plusieurs propriétaires illustres possédèrent ce château, notamment Diane de Poitiers, Richelieu puis Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Après la révolution de 1789, le domaine est déclaré bien national en 1792 suite à l'immigration de la propriétaire, la comtesse de Brionne. Après la vente par adjudication du château et de son parc en juillet 1796, Bernard Gournay, journaliste, auteur de théâtre, mais également marchand de biens et revendeur de matériaux devint le nouveau propriétaire. Il s'empressa de le dépouiller de tous les éléments pouvant se commercialiser (marbres, boiseries...). La démolition du château est bien avancé en 1797. En 1809, le cadastre napoléonien matérialise l'emplacement du château par des ruines. Effectivement tombé totalement en ruine, le château fut acheté par des spéculateurs qui vendirent les derniers matériaux de construction encore sur place. L'ensemble fut complètement rasé vers 1835. Très peu de vestiges sont aujourd'hui visibles, notamment une partie des écuries et le petit bâtiment dit Pavillon Mansart situé au nord-ouest.

 

Gravure de Claude Chastillon, 1641, d'après dessin antérieur à 1616 (vue depuis le nord)

 

Ces fouilles archéologiques, motivées par la chute d'un arbre du parc suite à la tempête de décembre 1999, ont fait apparaître les fondations bien appareillées d'un bâtiment inconnu auparavant (fondations sous 1,5 m de terre). Il ne figure sur aucun plan connu, même les plus anciens, qui remontent au début du 17e siècle.

 

Plan terrier du château et de ses environs en 1772 (Archives Nationales, 273 AP 151)

(L'étoile désigne l'emplacement du chantier de fouilles)

 

Enlèvement de la souche restante (août 2000)

 

Nos travaux ont permis de dégager deux murs de 75 cm de large, formant un angle droit (nord-sud/est-ouest), conservés sur 1,30 m de profondeur et sur une longueur proche de 4 m. Ils sont constitués de gros moellons de meulière et de grès liés par un solide mortier jaune. Au nord, le mur se prolonge par un important bloc de grès taillé, constituant probablement la base d'un contrefort. Ces fondations semblent se retrouver bien au-delà des limites de l'excavation. A 8 m plus à l'ouest, un petit sondage effectué dans le prolongement du mur a mis au jour des structures similaires, fort probablement en liaison. Sous une stratification identique, on remarque notamment à environ 80 cm de profondeur, un couche compacte de mortier blanc et de cailloux. Cet aménagement pourrait correspondre au soutènement de l'avant-cour du château.
Le mur est-ouest aurait donc, au minimum, une longueur d'une douzaine de mètres.

 

Deux murs formant un angle droit (orientés nord-sud/est-ouest)

 

En bordure sud du chantier de fouilles, la présence de la chaussée moderne (avenue du Parc) a empéché la poursuite des investigations de terrain.

Depuis le 17e siècle, il existe plusieurs textes et plans anciens décrivant le château de Limours (entièrement détruit au 19e siècle), ses dépendances et ses jardins. Leur étude montre que les vestiges dégagés se situent vers le centre de l'avant-cour du château construite par François Mansart vers 1645. Ce fut une vaste esplanade délimitée par quatre grands pavillons d'angle et deux autres, plus petits, encadrant l'entrée.
Or, à cet endroit, aucune construction ne figure sur les plans consultés.

De nombreux éléments architecturaux ont été recueillis autour de cette solide construction (balustres en pierre calcaire, canalisations d'évacuation des eaux en terre cuite vernissée, tuiles à crochet, dalles de sol,...). En l'absence de textes évoquant ce bâtiment, seuls les fragments de poteries permettent d'apporter une datation. Ils relèvent principalement de la deuxième moitié du 15e et du début du 16e siècle. Ils correspondent à de gros récipients culinaires ou au stockage d'origine locale, présentant souvent des traces de glaçure verte lisse ou granuleuse. Quelques fragments de poteries en grès "normand" ont également été mis au jour. On peut supposer que la structure mise au jour est contemporaine de la première phase de construction du château, avant sa transformation réalisé de 1539 à 1545.
Les tessons de céramique les plus anciens recueillis sur le site, notamment dans une couche noirâtre à 1,50 m de profondeur, sont attribuables au début du Moyen-
Âge (9e au 12e siècle). Ils proviendraient de la première demeure seigneuriale attestée à Limours.

 

Balustre tourné en pierre calcaire du Sud de Paris (17e siècle ?) (Hauteur = 620 mm , diamètre maxi = 130 mm , diamètre mini = 65 mm)

 

Concernant les balustres mis au jour (petits piliers supportant une balustrade), leur datation exacte n'a pas encore été établie. Ces éléments tournés en calcaire lutétien (traces de foraminifères typiques du Bassin Parisien) présentent une forme originale pour la base (piédouche). Forme que l'on ne rencontre pas dans l'architecture du sud et de l'ouest de l'Ile de France.

Cette trop courte période d'autorisation de fouilles ne nous a permis de mettre au jour que seulement 21 m2. Ce chantier de fouilles, bien accueilli par les habitants de Limours et ses environs est maintenant rebouché. Afin d'apporter des précisions sur la fonction et la datation de cet ouvrage énigmatique, il sera nécessaire d'examiner aux alentours les prochains creusements ou bouleversements du sous-sol.

 

Bibliographie

 

BABELON Jean-Pierre (sous la direction de)   1998

"François Mansart : Le château de Limours, avant-cour et jardins 1638-1645-1651"

Editons Gallimard, p. 134/143 et 169/170, 1998

 

BLÉCON Jean, BOUDON Françoise, BOURDU Jeannine et HERME-RENAULT Marie   1984
"L'archéologie du paysage du XVIIe siècle : la topographie française de Claude Chastillon. La région parisienne"
Rapport de recherche 220/84, ministère de l'Urbanisme et du Logement, secrétariat de la recherche architecturale, 1984

 

CIPRUT Edouard-Jacques   1961

"Un ouvrage de Mansart à Limours"

Bulletin de la Société de l'histoire de l'art français, 1961

 

GIGANON Daniel   2001

"Recherches archéologiques à Limours (Essonne)"

Bulletin de la Société Historique et Archéologique de Corbeil, de l'Essonne et du Hurepoix (SHACEH), n° 70, 106e année (2000), publié en 2001

 

JACQUET Annie   1998

"Limours en Hurepoix, histoire du château de Limours"

Mémoires en images, 126 p., Editions Alan Sutton, 1998

 

 

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