03/03/2021 |
Edifice religieux, nécropole et habitats à Villiers le Bâcle |
Le site de Villiers le Bâcle, au lieu-dit "Les Fonds d'Orsigny" fut mis au jour en avril 1989 par prospections au sol, dans le cadre de la surveillance systématique des secteurs à urbaniser et des travaux d'urbanisme intéressant le Plateau de Saclay. Implanté au sud du plateau, ce site fut occupé à l'époque gallo-romaine (du IIe au IVe siècle après J.-C.) puis au Haut Moyen Age (du VIIIe au IXe siècle après J.-C.).
Les sondages et la fouille préventive (campagnes 1989 et 1990) Au printemps 1989, nous étions avisés d'un projet de modification du tracé de
la route départementale 36 entre Châteaufort (Yvelines) et Saclay (Essonne). Ce projet
était associé à la construction d'un grand carrefour au nord du village de
Villiers le Bâcle. Sur une étendue d'environ 5 hectares, les prospections au sol entreprises immédiatement
révélaient des traces d'implantation gallo-romaine et du Haut Moyen Age.
1. Sur le tracé de la nouvelle route a) Une série de vestiges gallo-romains (IIe - IVe s. ap. J.-C.) Bâtiment remanié au Haut Moyen Age, fosses, trous de poteaux, mare (abreuvoir) de 80 m2 assortie d'un accès empierré, long fossé (avec ancienne palissade ?) interrompu par une entrée et constituant une limite entre le secteur habité et une zone de cultures ou de pâturage, segment de voirie se dirigeant vers le bâtiment bordé de moellons enfoncés verticalement, reste d'un bas-fourneau dont le "cendrier" a livré des scories métalliques (probable installation de réduction du minerai de fer), des fragments de parois d'argile vitrifiée et de céramiques du Bas-Empire.
b) Des vestiges du Haut Moyen Age Ils sont caractérisés par la présence de céramique granuleuse (pots ovoïdes, bols à collerette...), four domestique (diamètre = 1,30 m), foyer, nombreux trous de poteaux permettant d'envisager la présence entre autres d'une cabane excavée, d'un grenier sur pilotis...
2. En bordure du tracé routier (RD36) a) L'édifice religieux (associé à la nécropole) Les vestiges mis au jour occupent une surface d'environ 250 m2 (21 m x 12 m). L'entrée est située à l'est. Un segment de voirie antique correspond peut-être à l'accès empierré au bâtiment religieux. L'examen des différents types de construction et du positionnement
de chacun des murs fait apparaître une antériorité de la partie centrale de
l'édifice (fin IIIe - début IVe s. ap. J.-C.). Les murs des fondations, d'une largeur d'un mètre, sont constitués de pierre meulière et de grès, matériaux facilement accessibles sur les flancs du Plateau de Saclay. Sur cette bâtisse initiale gallo-romaine (temple rural, lieu de culte privé ?), plusieurs murs montés moins soigneusement sont venus se greffer au nord et à l'est (probablement à la fin de l'époque mérovingienne). L'absence d'aménagements domestiques (fours, fosses...), le petit nombre de fragments de céramique recueillis, les ossements animaux quasi inexistants, la présence d'inhumations tant à l'intérieur qu'autour du bâtiment et leur orientation identique à celle des murs, écartent l'hypothèse d'un habitat ou d'une dépendance d'établissement agricole. Tous ces éléments tendent à attribuer une fonction cultuelle à cette construction. Sép. 024 (en rouge) : une des sépultures à coffrage de pierres
b) La nécropole Sur une quarantaine de sépultures repérées, seules 31 ont pu être fouillées complètement. La plupart des inhumations sont concentrées à l'intérieur du bâtiment ; une dizaine d'individus furent enterrés à la périphérie, généralement au contact des murs extérieurs. L'absence de mobilier funéraire ne facilitaient pas la datation de ces sépultures mises au jour à faible profondeur (40 à 50 cm). Toutefois, le mode d'inhumation, l'orientation des corps, leur alignement dans l'axe des murs principaux, les tessons de céramique granuleuse retrouvés dans le remblai des tombes constituaient autant d'indices comparables aux découvertes réalisées sur d'autres sites du Haut Moyen Age en Ile de France pour l'époque carolingienne. L'organisation spatiale des fosses privilégie un alignement tête à l'Ouest-Nord-Ouest et pieds à l'Est-Sud-Est. Les tombes, généralement sans cavité céphalique, sont délimitées dans 80 % des cas par des encadrements de pierres plus ou moins réguliers, parfois par de simples calages ou creusées en pleine terre, sans aménagement. Le petit nombre de chevauchements et de réduction des corps indiquerait qu'ils étaient signalés en surface et que la durée d'utilisation de cette nécropole fut relativement brève. Les corps étaient placés en decubitus dorsal. Dans 60 % des cas, les bras sont pliés, mains posées sur l'abdomen ou le pubis. On remarque souvent une surélévation du crâne, qui repose sur une pierre (parfois sur un coussin de matière périssable). Certaines compressions des membres suggèrent un ensevelissement dans un linceul cousu (absence d'épingles de fermeture). Des traces de planches posées latéralement entre l'inhumé et les pierres d'entourage de la tombe apparaissent sous forme de bois décomposé et, surtout, par des effets de paroi sur les restes humains. Aucun mobilier funéraire, outillage ou arme n'accompagnait les défunts. Une agrafe à double crochet en bronze moulé constitue le seul accessoire vestimentaire exhumé au cours de ces fouilles. Dans leur ensemble, les squelettes sont dans un mauvais état de
conservation (fragilisés par l'humidité du sol). Outre l'estimation de l'âge, la détermination du sexe et
l'évaluation de la stature à partir de la longueur fémorale, l'étude
anthropologique a porté sur les indicateurs de stress biologiques signalant des
maladies infectieuses et des carences nutritionnelles. De plus, l'examen des caractères discrets permettait de déceler une éventuelle appartenance familiale.
Sép. 017 : sépulture carolingienne VIIIe / IXe siècle
L'étude menée sur 37 squelettes a révélé quelques éléments intéressants :
Le pourcentage élevé de sujets masculins masquent sans nul doute le fait que la nécropole ne fut que partiellement fouillée. Avec l'aide d'un financement départemental, les ossements humains ont été remis en 1991 à Hervé GUY pour l'étude anthropologique, aidé par Hélène Guillot pour l'étude des caractères discrets (exemple : présence ou non des dents de sagesse...). Les services de l'état ont ensuite accueilli l'ensemble de ces restes humains. Concernant le bâtiment, les éléments mis au jour nous permettent de proposer être en présence d'une construction initiale gallo-romaine du Bas-Empire. Ce fut peut-être un petit temple rural dont on a réutilisé les fondations en les complétant pour le transformer en chapelle funéraire, à la fin du VIIe ou au début du VIIIe siècle, phénomène courant à cette époque (Jacques Le Maho, 1990). L'abandon des lieux interviendra sans doute vers la fin du IXe siècle, à la suite du regroupement de la population qui délaissera les habitats précaires des périodes précédentes. Elle ira fonder une nouvelle agglomération en bordure du plateau et construire une chapelle plus importante, ancêtre de l'église actuelle de Villiers le Bâcle (Abbé Lebeuf, 1750).
3. Conclusion
Bien qu'il s'agisse de fouilles préventives d'une étendue forcément limitée, nous disposons d'un aperçu intéressant du monde rural antique, par la présence d'habitats, d'installations annexes, d'une chapelle du Haut Moyen Age et de sa nécropole.
Afin de faciliter la reprise des investigations sur le terrain, les vestiges du bâtiment religieux et les sépultures repérées mais non fouillées ont été soigneusement rebouchés. Le secteur remis en culture au début de l'année 1991 se trouve toujours menacé par un éventuel projet de construction dans le Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme du Plateau de Saclay (voies de transport routier). Une opportunité de reprise des recherches sur le terrain pourrait donc se présenter au cours des années à venir, notamment à l'emplacement présumé des habitats carolingiens.
4. Bibliographie
Chroniques...
1991 GIGANON Daniel 1991 GIGANON Daniel 1993 HEITZ Carol 1987 LE MAHO Jacques 1990 VAN OSSEL Pierre et OUZOULIAS Pierre 1989
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